Fille de militaire: mon expérience, mon ressenti
- morganechamp
- 27 juin 2018
- 6 min de lecture
Je suis la fille d’une fille et d’un fils de militaire, lui même devenu soldat. Autant vous dire que l’armée se transmet dans ma famille. Je dois vous avouez que moi aussi j’ai eu envie de m’engager. Même encore aujourd’hui… Quelque chose manque dans ma vie, de l’action, de l’humanitaire, l’envie de protéger ma nation.
La nation avant tout
En étant la fille d’un militaire, je suis déjà en quelque sorte engagée moi aussi, je partage mon père avec la nation. Si un enfant de soldat passe par ici, il comprendra surement ce que je veux dire.
La fierté
Oui je suis fière de mon père et de son métier. Je tiens d’ailleurs à préciser qu’il est dans l’armée de l’air (parce que c’est vraiment trop la classe!).
Les meilleurs moments c’est quand il venait me chercher à l’école en tenu, j’étais pas peu fière. « Ooooh ton père a fait la guerre? », « Il est dans quelle armée? », « C’est quoi son grade? », « il conduit des avions? »
Ou aux réunions parents-professeurs au collège et au lycée, tous mes professeurs étaient intimidés, c’était le bon plan face à ceux que j’aimais pas. Seulement, il est venu en uniforme trop peu de fois à mon goût.
Les copains le surnomment papa Rambo et personne ne fait le malin devant lui. Derrière c’est autre chose, chacun développe son propre fantasme « ton père je le bats au bras de fer », « Ok il a fait du rugby mais au foot je me le fais » et quand je leur propose une activité le week-end avec mon père, bizarrement personne ne peut se libérer. Même pas pour une pétanque. #petitsjoueurs
Les difficultés
Je vends les mérites du métier depuis quelques lignes, mais ça, c’est parce que j’ai mûri.
J’ai longtemps détesté l’armée, et la communication a été rompu pendant mon adolescence avec mon père, je passais mon temps à provoquer des disputes. Je supportais mal les absences à l’époque. Le plus difficile c’était quand il rentrait et que tout devait être comme avant, il fallait l’écouter, il avait le droit de nous punir, il mettait des règles en place comme tout les pères finalement. Mais j’avais beaucoup de mal, pour mon moi adolescente il n’avait pas le droit de partir, revenir et faire la loi. Aaaah la révolte dictée par les hormones, on adore!
J'ai toujours voulu être une fille à son papa, mais la vie en a décidé autrement, je suis bien la fille de mon père, pas très expressive sur mes sentiments, pas du tout démonstrative (je déteste les câlins, bisous, etc), on se dit pas "je t'aime" non plus. Seulement, quand mon père était en OPEX au Tchad ou autre, et qu'à la sortie de l'école je voyais mes copines sauter au cou de leur papa, je me sentais vraiment frustrée. Et donc pour faire face et avoir un point commun avec lui, je me suis intéressée à son sport: le rugby, pour au final être vraiment passionnée à mon tour!!
Et puis il y a l'angoisse, voir aux infos du soir qu’un soldat est encore tombé en Afga, pour un enfant de militaire c’est terrifiant : « Et si un jour le soldat qui tombe c’est mon père? », « Est ce qu’on parlera de lui? Les français se souviendront-ils de lui? » « Est ce que je serais seule face à mon deuil, alors que lui s’est dévoué à la nation? », « Quand va t’il être rappelé? », « Pourvu qu’il parte dans un endroit où ça pète pas trop… Mais où?! Djamena? Bangui? c’est la merde partout en Afrique! ». Voilà encore un sujet non traité, je garde tout par fierté, "je suis une femme forte" mais entre nous je balise, surtout par les temps qui court. Vivement sa retraite qu'on soit tranquille!
Heureusement, mon petit frère et moi avions notre WONDER MAMAN! Présente pendant que mon père était en OPEX ou en déplacement. Tellement courageuse, elle a sacrifié sa carrière pour sa famille, elle nous a élevé seule pendant les missions (4 à 6 mois) en prenant sur elle (le manque de son mari et sa fille au fort caractère, oui, oui j'étais une petite peste) . Elle a même reprit ses études à 40 ans si c’est pas du courage ça, je ne m’appelle plus Morgane. Certains diront qu'« elle a choisit cette vie», et c’est profondément injuste et égoïste de penser un truc pareil.
Les OPEX (opérations extérieurs)
Ce n’est pas comme dans les films! On ne s’appelait pas tout les jours sur Skype ou Facebook comme les gens pourraient le croire. Nous l’avions peu au téléphone. Nous attendions d’avoir de ses nouvelles, quand il pouvait nous appeler ou nous envoyer des cartes postales
Les déménagements
On me demande souvent si c’est pas trop dur de déménager. Absolument pas, peut-être que d’autres ont du mal avec cette partie du métier. Personnellement, j’ai profité de chaque endroits et j’entretiens encore mes relations amicales de chaque villes. Le plus marquant restera Djibouti, même si je n’étais qu’une enfant, j’ai beaucoup de souvenirs de l’Afrique. J’ai passé des Noël et des Nouvel an sur les plages, je me souviens de la piscine dans la cours de mon école, d’une invasion de singes, du quartier militaire avec ses grands barbecues organisés par les militaires et leur famille, des amis (certains le sont encore aujourd'hui). Djibouti est un pays d’Afrique très pauvre qui se situe au milieu des conflits mais j’ai pourtant de très bons souvenirs de là-bas.
Aujourd’hui je ne vis plus avec mes parents mais j’ai développé le syndrome de la bougeotte. Je me lasse des villes et des personnes que je fréquente quotidiennement, j’ai besoin de partir à la découverte d’autres régions ou pays. Cela passera peut-être avec l’âge et la vie de famille. Sauf si moi aussi j’épouse un militaire! Damn it!
Faire face aux clichés
« Oh là là, ça doit être la prison chez toi », « t’as dû être élevée à la dure », « Tu fais ton lit au carré? ». Alors pas du tout! C’était même plutôt cool chez moi, j’ai étais élevée par des parents jeunes et ouvert d’esprit. Même si:
Règle N°1 le chef a toujours raison, règle N°2 si le chef a tord se référer à la règle N°1.
« La vache t’as été en Afrique?! T’as vu des singes? », « Pourquoi t’es pas noire? », « Tu mangeais à ta faim? ». Bon là, j’avais 7 ans et c’était dans la cour de récré. Mais quand même…
Après 2 ans en Afrique, le retour en France était particulier. Au début, j’ai eu l’impression de me faire des copains juste parce que je revenais d’Afrique, ensuite quand ils ont eu les réponses à leurs questions, plus personne ne s’est intéressé à moi. Sauf, 2 copines, qui sont encore dans ma vie aujourd’hui. Et puis, j’ai pris confiance en moi, et depuis j’ai pleins de copains partout.
« Tu dois tout connaître de l’armée avec ton père » « ça doit être un cercle très fermé », pas vraiment, disons qu’on ne regarde pas le défilé du 14 juillet en famille, on ne participe pas aux activités culturelles et sportives entre femmes et enfants de militaire au sein de la base. Le clairon n’est pas sonné le matin dans les quartiers de familles militaires, on ne chante pas la marseillaise tous ensembles sous le drapeau tricolore, le portrait du chef d’état major des armées n’est pas au dessus de la cheminée… Tous ça sont des clichés sortis tous droit de séries américaines.
Mon père a d’ailleurs toujours séparé sa vie professionnelle de sa vie personnelle, surement par égard pour nous, c’est déjà difficile de savoir qu’à tout moment il peut être appelé à partir alors profitons de nos temps en famille. Mais malgré tout, de moi même je me suis intéressée au métier, à la géopolitique, (j’ai même eu ma période "je veux faire science politique, pour travailler au ministère des armées" quand j’étais au lycée), j’adore regarder le défilé le 14 juillet, et tout les ans j’attends la patrouille de France, la légion étrangères, les chasseurs alpins et les sous-officiers de Rochefort avec impatience.
Aujourd’hui j’aimerais faire quelque chose moi aussi! La nation a des héros, mais eux n’ont personne. Je voulais adhérer à une association pour soutenir les enfants de militaires, et avec mes recherches j’ai remarqué que rien n’avait été mis en place pour eux, pour nous, sauf pour les pupilles. Alors si des enfants de militaire lisent mon article, envoyez moi un message si vous avez envie de partager votre expérience avec moi, je serais ravie de vous lire et d’échanger avec vous.
A bientôt,
M.
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